Boîtes à surprise


    Plumeau passe aussi sur les tablettes de la penderie. Sur une tablette haute, deux boîtes piquent la curiosité de notre nettoyeur à plumes. L'une octogonale, l'autre étroite et longue. Toutes deux sont entourées d'un ruban. Que peut-il y avoir dans ces boîtes ? Laissez-moi vous les ouvrir.

    Voyons d'abord ce que contient la boîte étroite et longue. Il est inscrit au centre du couvercle Saks Fifth Avenue. Intrigant ! Un objet long entouré de papier de soie. Qu'est-ce donc ? Une ombrelle blanche bordée de dentelle. D'où vient cette jolie ombrelle ?

    Je venais de recevoir un livre sur Monet où Camille au jardin impressionnait beaucoup la jeune femme romantique que j'étais. Et pour cause... Peu de temps après, Claude découvre dans un catalogue du magasin Saks une ombrelle. En secret, il la commande par la poste à mon nom. Vous dire comment ma surprise fut grande de recevoir par livraison exprès un tel colis. Je me souviens que l'ayant ouvert, je tourbillonnais tout excitée devant ma femme de ménage. « C'est beau, m'a-t-elle dit, mais vous me donneriez cent piastres que je n'irais pas au coin de la rue avec ça. J'serais bien trop gênée. »

    Moi, ça me faisait plaisir de la porter dans des occasions particulières. Notamment lors du garden-party annuel que Madame Belley offrait à tous les membres du conseil de fondation de sa paroisse. Une autre occasion  où j'appréciais le port de l'ombrelle était au défilé de la Saint-Jean en plein jour sous un soleil de plomb. Ce fut probablement là qu'une dame de mon quartier l'a remarquée. Elle communiqua avec moi peu de temps après pour me demander si j'accepterais de lui prêter mon ombrelle pour le shower de sa fille. Elle servirait de décor sur la table des cadeaux que la future mariée recevrait à cette occasion. Comment lui dire non ?

    Cette ombrelle, je la garde pour sa joliesse, mais plus encore en souvenir de la charmante surprise concoctée par mon homme romantique.

    Que contient maintenant la boîte octogonale qui est, vous devinez, une boîte à chapeau. En effet, elle contient un chapeau, mais un chapeau que l'on ne porte pas tous les jours. C'est un haut-de-forme en soie noire.

    D'où vient-il ? Il appartenait à Raoul, le père de Claude qui, dans les Années folles, le portait en tenue de gala pour aller au théâtre et aux concerts. Avec Éva-Marie, sa dame et mère de mon homme, ils venaient parfois de Jonquière assister à Québec à de grands concerts et spectacles. En ce temps-là, on « s'habillait ». On portait l'habit à queue-de-pie et la robe longue.

    Claude a hérité de ces vêtements extravagants. Il les a portés lors de carnavals ou de soirées costumées. Certains de nos proches les ont empruntés pour des occasions similaires. Ils font partie du patrimoine familial et nous les conservons affectueusement, bien rangés dans un sac protecteur et une boîte à surprises. Nos descendants, s'ils ont la fibre génétique affective, seront peut-être ravis de découvrir ces vêtements portés par un de leurs ancêtres.

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