Le grand ménage

    La corde à linge grince joyeusement. Les couvre-lits battent allègrement sous la brise. C'est un chant de printemps que les moins de vingt ans peuvent ne pas connaître. Si mes contemporains s'en souviennent, les plus jeunes aimeraient peut-être en entendre quelques échos ? Alors je remonte dans le temps à l'écoute du rituel symphonique printanier des vadrouilles, balais et plumeaux d'autrefois.

    Dès l'arrivée du beau temps, on ouvrait les fenêtres, lavait les rideaux, aérait la maison, nettoyait, astiquait, peinturait les galeries, bref on faisait un grand ménage. En dedans et en dehors de la maison.

    Enfant, c'était pour moi un temps plein de vie. La maison était en effervescence. Les quatre plus jeunes de la famille, dont j'étais la toute dernière, devaient essayer les vêtements de l'année précédente qui, selon la taille, passaient d'une plus grande à une plus petite.

    Et lorsque ma mère aidée des plus grandes sortait des armoire la vaisselle utilisée les jours de fête et la déposait sur la table pour la laver, c'était merveilleux. Je découvrais ou retrouvais des trésors : une carafe en verre de couleur irisée d'un rouge rose-orangé entourée de ses verres sur pied, un grand bol vert bouteille serti de dorure et ses petits bols assortis, sans oublier les plats de service en porcelaine fleurie qu'on ne sortait qu'aux grandes occasions auxquelles je n'avais pas encore l'âge d'assister. Bref, je me sentais un peu comme on se sent dans un marché aux puces aux objets hétéroclites où l'on va de surprise en surprise.

    Le grand ménage du printemps demeure dans mes habitudes, quoique d'une manière plus expéditive que celle de nos mères et grand-mères. Les appareils ménagers plus performants que nous avons maintenant, les produits d'entretient plus efficaces et les linges miracles de tous genres simplifient les tâches domestiques.

    Reste que ce rituel me donne l'occasion de ranger les objets souvent vite mis dans les armoires et de faire l'inventaire des choses, notamment dans les garde-robes. Nos enfants ne sont plus sous le toit parental depuis belle lurette, mais même seuls, mon mari et moi faisons le tri de ce qui ne nous convient plus. Tâche ennuyante pour Claude. Sacrifier un vêtement pour lui devient aussi ardu que de jeter un souvenir de famille. Le seul argument qui le motive est de savoir que ce vêtement peut rendre service à des démunis. Alors il accepte volontiers et va lui-même porter les sacs de choses encore bonnes au comptoir vestimentaire Saint-Vincent-de-Paul de notre paroisse.

    Puisque notre Plumeau a commencé sa ronde d'époussetage, peut-être a-t-il rencontré quelques menus objets bavards. C'est ce que nous allons voir.

    Tournons la page et suivons-le.

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