L'écriture d'Albertine


    Manier la plume nous semble tout naturel et on a mal à imaginer que de nos jours, il existe encore beaucoup de gens illettrés.

    Dans mon enfance, nous apprenions à écrire tout d'abord avec un crayon de plomb, puis avec une pointe fine trampée dans l'encrier. Vint ensuite la plume-fontaine, cette merveille qui portait son réservoir d'encre. Lorsque dans les années quarante le stylo-bille fit son apparition, il devint l'instrument le plus pratique et le plus populaire.

    Chez nous, notre bonne Albertine n'avait jamais appris à écrire. Elle était arrivée à la maison toute jeune sans avoir fréquenté l'école. Elle était vaillante et attentive aux enfants. Nous l'aimions bien.

    Le dimanche, sa tâche terminée, elle nous regardait souvent faire nos devoirs sur la table de la cuisine. Un jour, elle osa nous demander de lui montrer à écrire. Mes grandes soeurs et moi sommes devenues maîtresses d'école à tour de rôle. Les premiers devoirs bien sûr se firent au crayon de plomb. Aux lettres et aux chiffres bien formés succédèrent les mots et les phrases courtes. Puis, petit à petit, elle apprit à manier la plume.

    Elle adorait ces leçons qui lui donnaient accès aussi à la lecture. Elle fit rapidement du progrès. En un an à peine, elle pouvait lire les descriptions dans le catalogue de Dupuis Frères. Le bonheur !

    Elle aimait cela. Souvent, elle me demandait de lui donner une dictée en me prévenant de ne pas lui donner des mots difficiles qu'elle ne comprenait pas. Comme une enfant, elle appréciait aussi les petites étoiles collées dans son cahier après correction : or, argent, rouge ou bleu selon le résultat.

    Je garde un souvenir savoureux de ces cours du dimanche après-midi où notre élève nous récompensait toujours avec un délicieux sucre à la crème ou autres petites gâteries, comme des bonbons aux patates et au beurre d'arachide.

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