Monologue

    Je ne suis qu'un humble plumeau au service de l'entretien ménager de la maison. Il m'arrive parfois d'être émoustillé, de frétiller de mes plumes devant les oiseaux nichés dans plusieurs pièces de la maison. Qu'ils soient de bois, de porcelaine ou de marbre, ils éveillent chez moi des souvenirs génétiques inscrits dans mes barbes.

    Si vous me suivez, vous comprendrez facilement que je ne peux rester indifférent devant la mouette sur le manteau de la cheminée du salon roucoulant devant un fou de Bassan attentif. Le fou tourne vers elle son cou gracile et semble lui raconter des envolées épiques vers le grand large, là où le poisson abonde. Plus stoïque, juchée sur le haut de du rayonnage de la bibliothèque, une chouette aux grands yeux me surveille, tandis qu'à deux coups d'aile quatre moineaux piaillent, évoquant les quatre enfants de la famille devenus grands.
    Dans le bureau de l'homme de la maison, quelques beaux spécimens d'oiseaux aquatiques sont alignés sur la tablette de la fenêtre, surveillés de haut par le merle en vitrail. Les effleurer du bout de mes plumes me fait rêver d'étangs, de rivières et de lacs.
    Dans la chambre d'amis, une mère oie et ses petits cheminent à queue leu leu sur le bord de la fenêtre. J'ai ouïe dire que ce groupe avait inspiré ma patronne à raconter des histoires passionnantes à sa petite-fille Fanny lorsqu'elle était toute jeune. C'est en souvenir de ces beaux moments que celle-ci lui a offert la mignonne porcelaine d'une grand-mère ourse tenant une oie dans ses bras que l'on peut voir sur la commode.

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