Nos parents

    Qui sont ces personnages exposés dans le hall ? se demande Plumeau. Je dois encore une fois lui expliquer.

    Il s'agit de deux photos magnifiquement encadrées de couples habillés à l'ancienne. Ce sont les portraits de mariage de mes parents, Raoul et Eugénie, et des parents de Claude, Raoul et Éva-Marie.

    La couleur sépia, la mise en scène et le décor démontrent que ce sont des photos prises dans un studio de photographe professionnel.

    Raoul et Eugénie se sont mariés en 1915. La photo officielle de leur mariage fut prise quelques mois plus tard lors d'un voyage à Chicoutimi au Studio J.E. Lemay. J'étais enceinte de quelques mois et je craignais de ne pouvoir porter ma robe de noce, m'a dit maman. Heureusement, elle a pu entrer dans sa jolie robe en crêpe de Chine gris pâle, rehaussée d'un collet de dentelle blanc. Mon père arbore un costume sombre sur une chemise blanche au haut col rigide à la façon de l'époque et une cravate classique. Debout, à gauche de sa femme, il dépose sa main droite sur le haut dossier en bois sculpté du fauteuil où elle est assise. Il a fière allure avec sa moustache aux fines pointes cirées aux extrémités. Maman, elle, a dans sa main droite un magazine qu'elle tient sur ses genoux alors que son avant-bras gauche retombe sur le bras du fauteuil. Tous deux dégagent une belle sérénité malgré la guerre qui sévit.

    Les parents de Claude, eux, se sont mariés en 1926. La photo fut prise durant leur voyage de noces au Studio Albert Dumas de Montréal. C'était au temps des Années folles et leurs vêtements le démontre bien, tout comme la coiffure à la garçonne d'Éva-Marie. Celle-ci, debout, s'appuie d'un bras sur l'épaule de son mari assis devant elle, bras croisés. Elle porte une robe en crêpe léger, de couleur claire, à taille basse. Un collier de perles prolonge son modeste décolleté. Sa tête légèrement inclinée accentue la courbe élégante de sa nuque. Son regard ne fixe pas l'objectif, mais porte vers la gauche, alors que son mari regarde droit devant lui. Le marié porte un habit de gala avec chemise à pointes et nœud papillon. Belle image digne d'un magazine.

    Les mariés des deux photos apparaissent confiants et sereins face à l'avenir, innocence classique de jeunes pleins d'espoir en une vie partagée et féconde.

    Chez les Gagnon naîtront six enfants dont Claude est l'aîné. Chez les Tremblay, le compte sera de neuf enfants, et je suis la cadette.

    Nos parents ne sont plus, mais leur image nous les rend présents. Dès que nous franchissons le seuil de notre demeure, ils nous accueillent comme ils savaient le faire jadis.

    Qui ne se souvient pas des premiers mots dits en rentrant de l'école : 

Maman, où es-tu ?

    Elle est là et papa aussi.

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