Objets inutiles ?


    Depuis qu'il nettoie notre appartement, Plumeau se demande pourquoi nous avons certains objets à ses yeux inutiles, comme ces vases de grand format dans lesquels il n'a jamais vu de fleurs.

    Pauvre bénêt, il est temps qu'il voie plus loin que le bout de ses plumes !

    Faut-il lui rappeler que ce sont des œuvres d'art glanées au cours de voyages ? Ces vases sont utiles parce qu'ils élèvent l'esprit et réjouissent le cœur. Ils sont aussi vivants, car on ne se lasse pas, même après plusieurs années, d'y découvrir des détails admirables. Voulez-vous les voir ? Suivez-moi.

    Le premier, situé sur une table dans notre hall d'entrée, est un émail cloisonné de Pékin. Une pure merveille d'art multimillénaire qui remonte à la dynastie des Ming. Selon mes recherches, cette technique venue d'Arabie fut introduite dans l'empire du Milieu durant le Moyen Âge. Technique qui consiste à cerner le contour des motifs à l'aide d'un fil métallique soudé sur une base de cuivre. Les alvéoles ainsi obtenues sont remplies d'émail. Le tout est ensuite cuit et poncé. Les motifs d'une délicatesse exquise représentent des fleurs, oiseaux et papillons harmonieusement coloré. Un jardin à la verticale.

 


    Le deuxième vase déposé dans le salon fut aussi acquis en Chine. C'est une laque sculptée rouge sur fond noir. Une autre technique chinoise ancienne. Elle consiste à appliquer de nombreuses couches de laque dans lesquelles sera sculpté un décor. Après plusieurs couches de laque noire (polie après séchage) suit une succession de laque rouge jusqu'à l'obtention d'une surface de 4 mm d'épaisseur. Le décor est ensuite sculpté avec de petits couteaux très affûtés de manière à faire apparaître la laque noire du dessous. Les deux couleurs donnent ainsi un relief aux motifs représentés. Nous connaissions la laque sur des supports en bois, appliquée comme un vernis à couches successives, mais en Chine nous avons découvert la laque sculptée. Ce fut un coup de foudre !



    Que dire maintenant de ce troisième vase surmonté d'un couvercle ? Celui-ci vient du Maroc. Nous pourrions aussi l'appeler une urne à cause de son ventre arrondi. Je me souviens de l'émerveillement de Claude lorsqu'il a découvert cette œuvre chez un antiquaire à Marrakech. Elle était en retrait parmi des objets hétéroclites au fond d'une boutique. Mon homme séduit demande à notre guide Walid ce qu'il pense de cet objet. « Vous avez de la chance, lui dit-il, c'est une pièce rare d'un art que les artisans pressés d'aujourd'hui ne pratiquent plus. » Sa particularité vient de l'assemblage de plusieurs matériaux sur une base en céramique. Des motifs géométriques et arabiques sont encastrés avec des fils d'argent collés sur la pièce. Certains espaces sont émaillés, d'autres recouverts de cuir fin rehaussés de pierres incrustées. Pour la déposer, notre fils François nous a fait une petite table hexagonale montée sur pattes formant des arcs brisés outepassés, empruntés au style arabe. Placée ainsi, l'urne se trouve à la hauteur de notre regard quand nous sommes assis devant la bibliothèque. Plaisir de l'œil !

    J'espère avoir convaincu les sceptiques de l'utilité des objets qui perpétuent le souvenir de beaux voyages où nous avons appris des savoir-faire particuliers.

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