Retraite
Plumeau est fatigué. Dans ses tournées, les voix familières se confondent. Ainsi en époussetant les personnages sur le manteau de la cheminée, il entend :
– La cour est ouverte. Veuillez procéder.
Sont-ce ces statuettes en bois d'un couple de juges africains rapportées par l'amie Consule générale du Mali ?
– J'étais caché dans un bloc de stéatite. Un sculpteur esquimau m'a fait voir le jour. Il m'a surpris revenant de la chasse avec un phoque sur le dos.
– Moi, Éros, dieu de l'amour éternellement jeune, je te salue.
Qui dit quoi, se demande Plumeau. Il mêle tout. Il oublie. Il ne sait plus nommer spontanément les bronzes et les tableaux. Il les connait pourtant ces œuvres réalisées par l'artiste de la maison. Il sent que sa mémoire flanche et qu'il n'est pas éternel.
À regret, il juge que c'est l'heure de prendre sa retraite, acceptant que son successeur remplace ses fibres nobles par des fibres synthétiques sans âme, mais qui, concède-t-il, font un meilleur travail. Ainsi le veut l'évolution.
Discrètement déposé dans un placard, il se tait et garde au cœur le sentiment du devoir accompli.
En l'accompagnant dans son humble travail, cela nous a permis de connaître le sens des objets collectionnés par les gens de la maison et nous a révélé le secret entrecroisement des choses et de la mémoire.
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